martes, 19 de noviembre de 2013

Le marteau de Thor



On me demande parfois où je puise mes idées pour écrire et si j’ai une source qui alimente mon imagination.
Il y en a une, en effet, c’est la vie tout simplement.
Voici un exemple :
 
Hier, j’ai regardé le film Thor avec le plus petit de mes fils, qui serrait fortement contre lui son marteau Mjöllnir, l’arme fabuleuse offerte par Odin à Thor lorsqu’il fut proclamé successeur au trône.
Grâce à ce film, Pablo et moi savons maintenant que la matière avec laquelle Mjöllnir a été forgé vient d’une vieille étoile. Ce marteau est si lourd que Thor est le seul à pouvoir le soulever ; il crée de puissants champs magnétiques autour de lui et peut passer à travers n’importe quoi. Thor peut utiliser le marteau pour voler et quand il le lance, il lui revient dans les mains. C’est un marteau extraordinaire, cela ne m’étonne pas que mon fils en ait fait son jouet.
Le soir, le marteau nous a suivis au lit (maman se trouvait bien loin, dans un avion) et le conte de tous les soirs allait forcément porter sur ce fabuleux marteau de ce dieu scandinave. Un doute me trottait cependant dans la tête.
Quelque chose ne collait pas dans cette histoire, voilà comment j’ai décidé d’écrire sur le sujet.
Voyez-vous, le poids et la composition de Mjöllnir me semblent un point important. Pour sa composition, Odin nous donne une piste : des particules d’une vieille étoile. Qu’est-ce qu’il entend par là ?
Lorsqu’une étoile similaire à notre Soleil meurt, elle le fait lentement en se dilatant jusqu’à ce que sa taille atteigne l’orbite de Vénus. À la fin de sa vie, elle se contracte à nouveau pour former ce qui est connu sous le nom de « naine blanche », une petite étoile, très chaude et extrêmement dense. Ce qui se produira ensuite dépendra de sa masse : les naines blanches les plus petites s’éteindront pour former des naines noires. Mais elles mettront beaucoup de temps à parvenir à cet état : plus longtemps que l’âge de l’univers.
Il n’y a pas de naines noires. Pas encore. On ne connaît que leur formulation théorique.
Si sa masse est très grande, l’étoile se contractera sur elle-même, prisonnière d’une  gravité énorme et croissante, jusqu’à s’effondrer dans ce que nous appelons un « trou noir » : un siphon, qui n’est pas gouverné par les lois de la physique mais par un principe étrange : la singularité. C’est un sujet passionnant, mais il vaut mieux que je m’arrête là si je ne veux pas trop m’étendre.

 
Une naine blanche moyenne se contractera également jusqu’à former un corps étrange, appelé « étoile à neutrons ». Pour comprendre le processus conduisant à une étoile à neutrons, il nous faudrait parler de « matière dégénérée », de « principe d’exclusion de Pauli » ou de « distribution fermionique ». Mais nous nous y perdrions, moi le premier. La seule chose à retenir, c’est qu’une étoile à neutrons est un corps qui s’est tellement comprimé qu’un gigantesque transatlantique pourrait rentrer dans une lentille.
 
Une étoile à neutrons, c’est en fait un monde où les lentilles pèsent des milliers de tonnes.
Pour connaître le poids du marteau, il nous faut d’abord calculer son volume.

 
Le volume se calcule en multipliant la surface de la base (14x14 cm) par la hauteur (21). Par conséquent, le volume de la tête du marteau de Thor est d’environ 4116 cm3 (si on prend la taille du marteau que l’on voit dans le film). Si la densité d’une étoile à neutrons atteint 1015 grammes par centimètres cubes, le marteau de Thor pèse alors (son volume équivaut à) 4 116 000 000 000 tonnes environ. Le volume de la Lune, par exemple, est de 70 000 000 000 000 000 000 tonnes environ.
Plus de quatre billions de tonnes, c’est énorme. C’est comme si on mettait sur une balance 22 milliards de baleines bleues femelles de 30 mètres de long. Mais le plus étonnant, c’est son volume : il s’agirait de comprimer et de rassembler 22 milliards de baleines dans une boîte de 14x14x21 cm. Plus petite qu’une boîte à chaussures !
Odin punit Thor pour son esprit rebelle en l’envoyant sur la Terre, le blond super musclé finissant par s’écraser sur un véhicule conduit par Natalie Portman. Ça, c’est de la chance. Mais Odin jette également du ciel l’arme Mjöllnir, dont la chute provoque un cratère d’environ 100 mètres de diamètre et 30 mètres de profondeur. Ça, par contre, c’est complètement absurde.



Un corps de cette densité en chute libre à plusieurs centaines de milliers de kilomètres heure transpercerait la Terre sans à peine perdre de vitesse. Supposons qu’il entre au niveau de l’Espagne, un néozélandais le verrait ressurgir de la terre vers le ciel. L’énergie cinétique résultant d’ajouter à la densité de Mjöllnir la force d’attraction gravitationnelle de la Terre est difficile à chiffrer.
Et après ? Tout dépend de l’inertie. Si la vitesse avec laquelle Mjöllnir ressort est supérieure à 40 000 km/h et s’il conserve cette vitesse jusqu’à échapper à l’attraction gravitationnelle terrestre, il repartira comme une flèche en direction de l’espace profond. Si les frottements causés par la traversée de la planète alliés à l’intensité du champ gravitationnel réduisent la vitesse de Mjöllnir au-dessous de la « vitesse de libération », celui-ci retombera. Et ça, ce serait la catastrophe.
Imaginez : un objet de plus de quatre billions de tonnes formerait des millions de cratères sur la planète et des failles, causerait un déplacement du magma, des distorsions dans les courants de convection du manteau terrestre, des déséquilibres dans la tectonique des plaques et ce qui m’inquiète le plus, affecterait gravitationnellement le fonctionnement du noyau de la Terre. Il est difficile de prévoir l’impact que ce bombardement constant aurait sur la mer de fer et de nickel liquide entourant le noyau solide mais il est fort probable qu’il freinerait sa rotation. En outre, le noyau de fer pourrait voir en péril son équilibre structurel et se fissurer.
Ces faits auraient des conséquences sur le champ magnétique de la Terre qui nous protège des radiations cosmiques. Sans ce bouclier, la vie sur la Terre serait impossible, sauf probablement dans les obscures profondeurs abyssales où vivent les extrêmophiles.
Mjöllnir arrêterait finalement sa course dans le noyau, augmentant ainsi la masse de la Terre de 4 billions de tonnes. Ce fait, allié au bombardement constant, affecterait probablement le mouvement de rotation et de translation de notre planète, son axe d’inclinaison ou sa délicate interaction avec la Lune. Ce seraient dans tous les cas de mauvaises nouvelles.
J’arrête là mes réflexions sur  Mjöllnir. J’ai dit la vérité à Pablo : que le marteau provenait de la matière d’une étoile, que c’étaient des géants en pierre qui avaient forgé le marteau et que personne n’était capable de le soulever. Ils ont dû se faire aider par mille dauphins cosmiques, ceux qui flottent sur les nuages stellaires, pour traîner le marteau jusqu’au Royaume d’Asgard. C’est la vérité d’un enfant de six ans.
 
J’espère avoir éveillé sa curiosité. Peut-être qu’un jour il me posera une question sur cette étoile où les lentilles pèsent autant que des maisons et peut-être qu’il me demandera s’il existe un objet encore plus gros. Je lui parlerai alors des étoiles à quarks, que personne n’a encore jamais vues mais qui pourraient exister un jour. Au fait, à propos de mythologie, je vous avoue que mon personnage favori de la mythologie islandaise est Bard, plus connu sous le nom de Gandalf.
Il y a tellement de choses à raconter ! Pablo me demandera peut-être : « Papa, si le marteau pèse autant, comment cela se fait-il qu’il peut être tenu par un manche en bois ? Et la sangle avec laquelle Thor le tient à son poignet, en quoi elle est faite ? »
Mais ça, c’est une autre histoire, un autre conte. Il se fait tard et il faut aller faire dodo.

 
Demain peut-être.
Antonio Carrillo.
 
Traducteur: Valérie Guilbert
Merci Valérie

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